Appel .dpi 30 : Cybersurveillance

Fais un homme de toi! Combattre la surveillance du genre sur le Web
Coordonnatrice de dossier invitée : Dre Kate Milberry
Date limite : vendredi 2 mai 2014

Ce numéro cherche à comprendre comment l’ « informatisation du corps » (van der Ploeg 2003) – auparavant saluée comme libératrice – est devenue le moteur de formes subtiles de cybersurveillance qui ciblent la différence et produisent de nouvelles vulnérabilités pour les femmes, les filles, les transgenres et les genderqueer sur le Web.

Avec l’essor de l’ère de l’information et de la propagation de la connectivité sur Internet, certaines féministes ont prédit la fin de l’inégalité basée sur le genre en ligne. Elles ont imaginé une nouvelle époque – même virtuelle – où la barrière entre les genres pourrait être abolie et les relations sociales plus égalitaires pourraient être forgées. La possibilité d’une « nouvelle ontologie du corps » – un corps virtuel post-humain – suggérait ainsi d’échapper aux limites du corps matériel (Conrad 2009) tel un moyen potentiel de libération du patriarcat, de la misogynie et d’autres idéologies oppressives.

La possibilité d’un (cyber)monde autre et meilleur s’est dissipée à mesure que les valeurs, les normes et les comportements « traditionnels » ont colonisé le cyberespace. Le potentiel démocratique d’Internet a semblé progressivement se perdre dans les bits et les octets de la pornographie créée par des hommes, du marketing ciblé et d’autres processus prédateurs. C’est sans surprise, peut-être, que le cyberespace a émergé comme un terrain genré où les normes sociales dominantes et les inégalités sociales ont été reproduites. Cela n’est nulle part plus évident que dans le maintien de l’ordre des femmes (et des filles) en ligne. L’œil surveillant du patriarcat capitaliste s’est déplacé et réajusté à la sphère numérique, se manifestant sous des formes genrées de contrôle social, particulièrement à travers la cybersurveillance et la cyberintimidation (le harcèlement, la prédation, etc.)

En dépit de l’absence d’une critique féministe dans le champ des études sur la surveillance (Ball, Green et Phillips 2009) et en ce qui a trait à la couverture sensationnaliste sur la cybersurveillance de médias de masse, les questions de genre et de sexualité n’ont pas échappé au regard surveillant du rapport entreprise-État. Internet représente clairement une véritable bénédiction pour l’appareil de surveillance, ce qui a des conséquences genrées. Malgré tout, le cyberespace demeure un terrain contesté, technologiquement instable, avec des fissures et des lignes de fuite à partir desquelles surgissent la résistance et la protestation.

Ce numéro cherche à comprendre comment l’ « informatisation du corps » (van der Ploeg 2003) – auparavant saluée comme libératrice – est devenue le moteur de formes subtiles de cybersurveillance qui ciblent la différence et produisent de nouvelles vulnérabilités pour les femmes, les filles, les transgenres et les genderqueer sur le Web. Quels sont les éléments sexués et genrés de la surveillance numérique et comment se manifestent-ils comme moyens de contrôle social? Comment une critique féministe et anticapitaliste du mouvement de contrôle de l’Internet peut-elle contribuer à une société plus libre et égalitaire à la fois en ligne et hors ligne? Est-ce que les analyses féministes peuvent explicitement mettre au défi la surveillance étatique et l’industrie de la surveillance? Quels sont les modes de résistance disponibles? Pouvons-nous nous réapproprier l’Internet comme espace et outil de libération?

Les propositions peuvent s’intéresser aux sujets suivants :

  • le contrôle du corps des femmes, des queers et des transsexuels par le marketing comportemental, leslut shaming, les sites Web pornographiques à des fins de vengeance, ainsi que les jeux multijoueurs en ligne et d’autres sites de jeux interactifs ;
  • la règlementation des sexualités en ligne incluant les comportements sexuels hors normes ;
  • la cyberintimidation sur les réseaux sociaux, dans les forums Internet et les jeux en ligne ;
  • l’impact des révélations de la NSA (National Security Agency) sur l’analyse féministe de la surveillance ;
  • les critiques féministes sur les mouvements de résistance et de protestation en réseau contre les limites d’Internet;
  • le déséquilibre entre les genres dans les contributions aux projets collaboratifs en ligne comme Wikipédia ;
  • les critiques féministes par rapport aux mesures réglementaires et législatives promouvant la surveillance en ligne, telles que lePATRIOT ACT et le Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) aux États-Unis, l’introduction récente au Canada de la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, ou d’autres exemples internationaux ;
  • l’impact des discours essentialistes, concernant le genre et la sexualité, sur les réponses et la résistance envers les processus de surveillance en ligne.

Références:
Ball, Kirstie, Green, Nicola, Koskela, Hille and Phillips, David J. 2009. “Surveillance Studies needs Gender and Sexuality”. Surveillance and Society 6(4): 352-355.

Conrad, Kathryn. 2009. “Surveillance, Gender and the Virtual Body in the Information Age”. Surveillance and Society 6(4): 380-387.

van der Ploeg, Irma. 2003. “Biometrics and the Body as Information: Normative Issues of the Socio-technical Coding of the Body”. In David Lyon (ed.) Surveillance as Social Sorting: Privacy, Risk, and Digital Discrimination. London and New York: Routledge.

van Doorn, Niels and van Zoonen, Lisbet. 2010. “Theorizing Gender and the Internet: Past, Present and Future”. In Andrew Chadwick and Phillip N. Howard (eds.) Routledge Handbook of Internet Politics. New York: Routledge.

Biographie
Dre Kate Milberry enseigne à l’Université d’Alberta dans le cadre du programme d’études supérieures en communication et en technologie. Ses recherches examinent l’impact de la surveillance de l’État sur ​​les mouvements sociaux et comment la démocratisation de la technologie du Web peut faire avancer le changement social progressif. Son travail récent pour la Commissaire à la protection de la vie privée du Canada a examiné l’impact des systèmes de gestion d’identité numérique et de télé-gouvernement sur la confidentialité. Dr Milberry a complété un stage postdoctoral à la iSchool de l’Université de Toronto et un doctorat en communication à l’Université Simon Fraser. Elle est commentatrice sur la technologie pour la radio de CBC et blogueuse pour geeksandglobaljustice.com. Elle est @KateMilberry sur Twitter.
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Veuillez faire parvenir une première ébauche de votre texte et/ou projet d’ici le vendredi 2 mai 2014 à : revuedpi(at)gmail.com

Toute soumission doit inclure :

  • une courte biographie (100 mots) par personne impliquée ;
  • un résumé (100 mots) ;
  • trois à cinq mots-clés.

Un cachet est offert selon la longueur et la complexité de la contribution. Les auteur-e-s et artistes sont responsables de tous les droits d’auteur en lien avec le contenu soumis.

Les contributions non liées à la thématique du dossier sont également bienvenues et seront considérées pour publication dans la partie hors-dossier de la revue.

Basée à Montréal et publiée en ligne, .dpi ouvre un espace unique de dialogue bilingue et interdisciplinaire pour la réflexion critique, la recherche, l’expérimentation, la documentation et les prises de position et propositions à l’intersection de l’art, des technologies et des féminismes. Audacieuse, critique, engagée et participative, elle traite de problématiques en lien avec les féminismes, l’art et la culture numérique.
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