À nos prothèses | goldjian

Participant·e·s

Résidence du 11 avril au 6 juin 2023
Chez Ada X

À nos prothèses propose d’interroger les relations d’intimité, de convivialité, de dépossession et d'(in)accessibilité à nos prothèses ‘ordinaires.’ La résidence est une collaboration entre Véro Leduc, une artiste sourde, Carlos Parra, un artiste aveugle et goldjian, un.e artiste neurodiverse. Le projet représente une occasion d’explorer les questions d’inclusion et de citoyenneté culturelle des personnes en situation de handicap au-delà de l’accessibilité. En centrant leurs explorations sur la question du « nous » , c’est- à-dire qui parle ? qui pense ? qui contribue à la réflexion et à la réappropriation des prothèses dont il sera question dans le projet ? Le collectif aborde sa démarche d’inclusion en se concentrant sur les conditions du « pensé par » et du « pensé pour ». Les trois artistes explorent des façons de rendre visibles, audibles et sensibles leurs prothèses respectives (auditives, oculaires, dentaires, etc.) ainsi que leurs identités prosthétiques en utilisant des mises en récits à travers les médiums de la vidéo, des arts médiatiques et des arts sonores.

 

***

Station de repos

Texte par Marie Achille

… Ralentir … 

  et tisser le repos dans le processus … 

« À nos prothèses » est une résidence-espace de soins et de partages de récits entre artistes de la diversité capacitaire (neurodivergent·es, aveugles, Sourd·es*). goldjian collabore avec Véro Leduc et Carlos Parra pour explorer ensemble les rapports qu’iels ont développés et souhaitent réouvrir par rapport à leurs propres prothèses (auditives, oculaires, dentaires, etc). Entourée de ces trois artistes qui se retrouvent, échangent et accueillent leurs propres réalités, et comme personne invitée à participer à cet espace, je me sens englobée et libre de parler de mes propres prothèses auditives qui s’animent en me racontant pleins d’histoires. Ici, la pratique relationnelle de partages de vécus permet une circulation des énergies et la création des connexions de soin.

Au cours de ces moments, les récits sont souvent racontés sous forme d’anecdotes : parfois en braille, en langue des signes, par écrit ou à l’oral. Enregistrées et co-construites, elles deviennent des traces et archives sensibles. Entre des ondes de rires et d’empathie, iels créent, manipulent et repensent des prothèses de façon DIY. La mise en récit de ces identités prosthétiques permet de comprendre ces témoignages comme autant de signes d’agentivités de nos citoyennetés culturelles.

Dans une démarche queer, anticapacitiste, de crip time et de (s)low tech face au milieu culturel chrononormatif, cet espace de résidence est un endroit doux, de repos, de rechargement et d’interdépendance. Issu des mouvements militants handicapés, le concept du crip time renvoie au temps non-linéaire propre aux personnes vivant avec divers handicaps. Accepter son propre temps, savourer sa flexibilité, ralentir le rythme et respecter celui des autres sont des moments de patience et de résilience envers soi-même et les autres.

Lors d’un 5 à 7 en petit comité à Ada X, les participant·es étaient invité·e·s à circuler dans l’espace où les artistes avaient préparé quelques prothèses et recherches en cours (petites sculptures avec incrustations en braille, du matériel pour fabriquer ses propres dents, un mur de rêves de prothèses, une boule de canne blanche en attente de transmutation, des dessins de contours de corps prosthétiques superposés). Invité·s à s’asseoir autour d’une table nommée « station de recharge », certain·es participant·es ont partagé leurs vécus, leurs connaissances et leurs expériences. Fin mai, un hackfest sur deux jours a eu lieu au MAI (Montréal Arts Interculturels). Organisé sous forme de forum ouvert, les participant·es décidaient collectivement des ateliers.

Ce mouvement de soin collectif au ralenti est un espace de transformation où des semences de possibilités ont émergé et ont donné l’envie de retrouver ces espaces dans de futurs projets.

* « Un terme sociologique se rapportant aux individus qui sont médicalement sourds ou malentendants et qui s’identifient avec et qui participent à la culture, à la société et à la langue des personnes Sourdes, qui sont basées sur la langue des signes. » — Association des Sourds du Canada

Marie Achille est une étudiante à la maîtrise en histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches actuelles portent sur les affects et les artistes queers en situation de handicaps.