Artificial stars | Yoojin Lee + Ivetta Kang

Participant·e·s

Présentation vidéo + discussion
Avec Yoojin Lee (UK) + Ivetta Kang (CAN)
Samedi 26 février, 13h – 14h (EST – Montréal), 18h – 19h (UTC – Londres)
En ligne | https://us06web.zoom.us/j/87303182336?pwd=RXhNZm9tbE9USTRhd2E3Rm1nanZsZz09

Joignez-vous à nous pour une projection vidéo de Artificial stars de Yoojin Lee, suivie d’une discussion entre Yoojin Lee et l’artiste Ivetta Kang, qui clôturera l’événement avec un petit exercice interactif tiré de son projet Tenderhands. Cet événement est le deuxième d’une série en ligne d’Ada X qui explore la place de l’expérience corporelle dans nos vies hyperconnectées.

Rassemblant une collection de textes, d’images et de vidéos, trouvés sur le net ou réalisés par l’artiste, l’œuvre vidéo Artificial stars de Yoojin Lee propose une réflexion sur les interdépendances entre les personnes et les « technologies de la lumière » selon les mots de l’artiste. S’inspirant d’un texte de Lee, As long as there is time to sleep, la vidéo s’inscrit dans une exploration plus large du sommeil et de sa persistance obstinée et illogique dans un monde sans cesse illuminé.

Tenderhands, d’Ivetta Kang, est un projet d’écriture en cours qui développe une série d’instructions poétiques à la recherche de possibilités de « reconnexion » entre le corps et l’esprit. L’instruction n° 9, « To realize your unrealized hands », constitue le cadre conceptuel de la série, qui nous invite à être présent dans un corps, même si cette présence est précaire.

Les deux artistes, et leurs projets, seront en conversation pour explorer comment le corps se perd ou se retrouve sur des terrains ambigus, entre virtuel et matériel, espaces privés et publics.

Image courtoisie de Yoojin Lee.

Texte de Sandra Huber à propos de l’oeuvre vidéo Artificial stars de Yoojin Lee :

« Et votre visage est éclairé par un écran », annonce une ligne de texte défilant sur une fenêtre d’édition de texte dans Artificial stars (2018) de l’artiste londonienne Yoojin Lee. Dans cette œuvre vidéo, un écran d’ordinateur portable surchargé, mais apaisant, mêle des éléments audio et visuels renvoyant à un espace liminal entre le sommeil et l’éveil que partagent les corps et les technologies dans un monde qui ne s’éteint jamais. Faire l’expérience d’Artificial stars n’est pas sans rappeler les montages polysomnographiques utilisés en clinique pour surveiller les pathologies du sommeil; sauf qu’ici, en lieu et place des relevés de l’électricité du corps, nous découvrons des GIFs, des fenêtres de textes et des appels Skype, des éléments du monde diurne, tels une barre d’onglets en bas de l’écran, un foyer ASMR crépitant et une personne endormie sous des couvertures. On ne sait pas si c’est le∙a dormeur∙euse qui (en rêvant) écrit le texte qui apparaît dans le coin supérieur gauche de l’écran, ou si c’est plutôt à ellui qu’est adressé le « vous » du texte.

Le projet de Lee, oiseau de nuit autoproclamé, s’inscrit dans un engagement continu avec le sommeil, qu’elle ne considère pas tant comme un thème pour ses performances et ses installations multimédias, que comme une façon de connaître, liée à la lenteur, à la décomposition, à la durée et au travail, à l’inframince entre l’humain et la machine qui prend forme aux niveaux matériel, psychique et sensoriel – les frontières entre les états d’être et les cadres temporels artificiels dans lesquels nous vivons. Artificial stars articule les façons dont la lumière éclaire même nos lignes de temps les plus sombres – « la première lumière fabriquée par l’humain », nous informe le texte mobile, « a été produite il y a 15 000 ans – une flammèche projetée sur des arbustes », une étoile artificielle. Les heures tardives sont les « heures impies », écrit Lee dans son court livre, As long as there is time to sleep (2016). Le montage qui compose Artificial stars semble parfois rappeler le ronronnement constant et lent des corps célestes au-dessus de nous, le macrocosme et le microcosme dansant en cadence. Selon moi, l’une des images les plus intrigantes de la vidéo, située au centre supérieur de l’image, représente une Znaymya (bannière) créée en Russie dans les années 1990, qui prend la forme d’une lune artificielle de 65 pieds de diamètre, propulsée dans l’espace afin de prolonger les heures de clarté et d’accroître la productivité. Ici, elle rappelle un pamplemousse incandescent ou les voiles criardes d’un navire d’aluminium. Qui s’aventure avec nous dans nos mondes endormis? Quelles sortes d’épîtres pixélisées composons-nous derrière nos paupières closes? Quelles sont nos responsabilités et nos réponses, comme dormeur∙euses, au monde éveillé et aux responsabilités qu’il renferme?

La création de Lee a été présentée le 26 février 2022 dans le cadre d’un événement en ligne organisé par Ada X, un contexte particulièrement bien adapté à cette œuvre : son montage numérique se mêlera, sur nos écrans, à l’agencement de nos propres montages numériques intimes. Quels secrets sur ses rythmes, ses motifs et sur soi le∙a dormeur∙euse dévoile-t-iel au grand jour? La vidéo de Lee nous rappelle que l’écran de l’ordinateur, que nous regardons, a lui aussi ses propres rythmes – alors que la cheminée crépite, que le∙a dormeur∙euse s’agite, un message s’affiche à l’écran pour nous rappeler que l’ordinateur « va bientôt se mettre en veille s’il n’est pas branché à une prise de courant ». À propos de la superposition d’images et de sons qui figurent dans Artificial stars, Lee souligne que nous ne sommes pas nécessairement seul∙es lorsque nous dormons, mais toujours accompagné∙es. Celleux qui peuplent nos rêves et dorment à nos côtés ne sont pas seulement d’autres corps, mais aussi nos appareils et nos lumières, les projets et les projections de nos mondes en néon.

Yoojin Lee travaille à travers et entre la performance, le son, le texte, l’installation et la vidéo pour incarner des manières de devenir et de connaître à travers le soin, la résistance et les temporalités multiples. Elle dort à Londres.

Sandra Huber est écrivaine et candidate au doctorat en sciences humaines interdisciplinaires à l’Université Concordia, où elle se concentre sur les outils et les techniques de la sorcellerie contemporaine.